Le 25 janvier dernier, à la Gaité Lyrique, la Ville de Paris et la CAF de Paris rassemblaient plus de 150 acteurs de l’inclusion numérique ainsi que les professionnels du champ social et de l’éducation à venir échanger autour d’un sujet de première importance : l’accès et l’initiation au numérique des citoyens parisiens.
L’inclusion numérique : une question de survie et de citoyenneté
Depuis 2013, la modernisation des services publics est en marche avec pour visée de simplifier la relation des usagers avec leurs administrations. La Caf, en 2016, a d’ailleurs fait figure de pionnière lançant avec la Prime d’activité, la première prestation sociale 100% en ligne. Comme nous l’explique le Directeur de la Caf de Paris, Jean-Louis Haurie[1] :
« La CAF est au cœur de l’évolution des politiques publiques et notamment de la transformation numérique. Le numérique peut faciliter l’accès aux droits tout comme il peut être un facteur supplémentaire d’exclusion pour certains publics. Du coup, cela exige de notre part de repenser nos modes de fonctionnement et d’innover avec la mise en place d’une démarche pédagogique coordonnée avec les acteurs du territoire. C’est un défi collectif.»
Car n’oublions pas, que cette même année, 13%[2] de la population française déclarait ne jamais utiliser internet.
Alors comment simplifier sans exclure les personnes fragiles ? Comment faire du numérique une chance pour tous les citoyens ?
Le numérique offre des opportunités formidables aux citoyens, comme le précisait Emmanuel Grégoire[3] :
« A la Ville Paris, l’inclusion numérique est un sujet central car il s’agit d’une préoccupation de citoyenneté. La transformation numérique offre un potentiel extrêmement favorable à tous les citoyens. En effet, un service public numérique bien conçu facilite l’accès à ce service et donc notre quotidien. Dans la démarche de facilitation numérique, l’un des critères essentiel est de tout faire pour les concevoir du mieux possible. Mais il y a besoin aussi de médiation numérique face à ces nouveaux outils et d’un accompagnement plus poussé pour les publics les plus fragiles. Les acteurs de proximité : les centres sociaux, les mairies, les EPN, les PIMMS, ou encore les bibliothèques jouent un rôle essentiel sur ce sujet.»
En effet, Dominique Versini poursuivait : « l’accès aux droits et la lutte contre les exclusions passent aujourd’hui par le numérique. […] c’est une question de survie ! [4]». C’est pourquoi, la Ville de Paris, via sa Direction de l’Action Sociale, de l’Enfance et de la Santé a choisi de s’engager dans la construction d’une stratégie parisienne d’inclusion numérique. L’objectif est de construire le maillage territorial et de créer le parcours d’accompagnement coordonné entre acteurs de proximité. Ce plan d’action sera co-construit avec les acteurs locaux début 2017 et s’appuiera sur les résultats d’une enquête menée par WeTechCare, fin 2016, auprès de 260 structures du territoire (bibliothèques, centres sociaux, associations, entreprises d’insertions, médiateurs numériques, missions locales …).
Les parisiens inégaux dans leur autonomie numérique
Jean Deydier, présentait à l’occasion de cette journée d’échange, les résultats de l’enquête menée par WeTechCare en fin d’année 2016.
Une première étape a été d’évaluer le profil des publics accueillis dans une partie des structures ayant répondu au questionnaire. Un constat marquant à noter est le clivage très marqué entre grands débutants (20%), accueillis le plus souvent dans les clubs seniors ainsi que dans les agences et centre sociaux de la CAF et publics autonomes (59%) que l’on retrouve principalement en missions locales, dans les EPI et dans les agences Pôle Emploi. Si l’âge est à l’évidence un facteur influent sur le niveau d’autonomie numérique, la situation professionnelle, le niveau d’équipement ou la fréquence de connexion à internet sont également clés.
Quelques chiffres issus de l’enquête
- 67% des moins de 25 ans sont autonomes sur le numérique alors seulement 44% des plus de 65 ans le sont.
- 61% des personnes en activité et 65% des demandeurs d’emploi et 67% des étudiants sont autonomes alors que 28% des retraités et 40% des personnes au foyer ou en incapacité de travailler sont débutantes.
- Près de ma moitié des débutants n’a aucun équipement informatique alors qu’ils ne sont que 4% parmi les autonomes. 29% des débutants possèdent un smartphone qu’ils déclarent plus facile de prise en main.
- Parmi les débutants 59% ne se connectent jamais à internet alors qu’au contraire, 83% des autonomes se connectent tous les jours.
- Si la non-maîtrise d’internet est pour 62% des débutants la raison principale à leur absence d’utilisation, le coût de la connexion est au contraire le facteur principal de non-connexion pour 54% des publics autonomes.
- La non-utilisation des services en ligne est justifiée par 41% par le manque de compétences, par 26% par la peur de se tromper et 22% une préférence pour l’accompagnement physique.
Une richesse d’acteurs sur laquelle s’appuyer
La seconde partie de l’enquête menée par WeTechCare s’est attachée à évaluer les atouts et carences de l’offre existante.
Le territoire parisien a la chance de bénéficier « d’un potentiel phénoménal »[5] avec un réseau très dense (213 structures aimeraient rejoindre le réseau) et varié (structures de l’actions sociale, de la médiation numérique et acteurs associatifs). Parmi elles, de nombreuses structures proposent déjà des ateliers numériques et accompagnement déjà des publics touchés par la précarité numérique. Par ailleurs, les opérateurs de services publics (Caf, Pôle Emploi, CPAM, CNAV) sont engagés pour relever ce défi collectif.
Coordonner le réseau
En revanche, en vue de la construction d’un réseau d’acteurs, il apparait nécessaire de clarifier le rôle de chaque acteur pour mettre en œuvre un accompagnement numérique intégral et de définir la gouvernance. « L’enjeu de coordination est la priorité des prochains mois que nous allons travailler avec les acteurs concernés. Le numérique réinterroge notre action de proximité. »[6]
Par ailleurs, près de la moitié des structures ressent le besoin d’avoir des équipements, des outils pédagogiques, des formations et des ressources bénévoles pour répondre à la hauteur de la demande.
Prochains rendez-vous
A partir du mois de février, les différentes parties prenantes de l’inclusion numérique à Paris vont se rencontrer autour de plusieurs ateliers qui devraient permettre de définir les fils conducteurs de la démarche parisienne.
En parallèle, une cartographie des acteurs souhaitant faire partie du réseau d’inclusion numérique sera mise en place. Cette cartographie sera au cœur du processus d’orientation des publics en difficulté numérique.
Finalement, les deux territoires pilotes 13ème arrondissement et DST Est (11ème/12ème/20ème) débuteront les travaux sur l’animation et la coordination du réseau d’inclusion numérique.
Cette démarche concertée devrait aboutir avant l’été à un plan d’action pour une stratégie parisienne d’inclusion numérique.
[1] Jean-Louis Haurie, Directeur de la Caisse d’allocations familiales de Paris
[2] CREDOC, Baromètre du numérique 2016
[3] Emmanuel Grégoire, Adjoint à la maire de Paris chargé des ressources humaines, des services publics et de la modernisation de l’administration.
[4] Dominique Versini, Adjointe à la maire de Paris chargée de la solidarité, des familles, de la petite enfance, de la protection de l’enfance, de la lutte contre l’exclusion et des personnes âgées.
[5] Jean-Paul Raymond, Directeur de la DASES
[6] Jean-Paul Raymond, Directeur de la DASES