Les personnes en situation de handicap sont-elles plus touchées par l’exclusion numérique ? C’est la question à laquelle Emmaüs Connect et La Croix-Rouge française répondent dans un rapport inédit, réalisé avec le soutien de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et de l’Association nationale de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph). 

Les deux associations posent un premier état des lieux de l’inclusion numérique des personnes présentant une déficience intellectuelle, des troubles du spectre autistique et/ou des troubles cognitifs ainsi que des premières pistes d’action. Ce projet vise à comprendre les besoins spécifiques de ces publics, pallier les lacunes en termes de ressources pédagogiques et d’accompagnement, identifier et/ou créer des ressources pédagogiques adaptées à destination de ces publics.

11 recommandations pour l’inclusion numérique des personnes en situation de handicap

Réseaux sociaux, livres audios, Communication Améliorée Alternative (CAA), applications d’aide à la vie quotidienne : le numérique peut être pour les personnes en situation de handicap un outil facilitant l’accès à leurs droits et aux services du quotidien au même titre que pour la population valide, et permettant des conditions de vie plus autonomes.

Or, qui dit inclusion numérique, dit accès à de l’équipement, à la connexion, maîtrise des compétences de base et capital numérique. Et dans le cas des personnes en situation de handicaps cognitifs et intellectuels, d’autres éléments entrent en jeu : l’équipement doit être disponible, accessible et adapté à l’utilisateur. Au-delà de l’accès, la maîtrise des compétences numériques reste encore très disparate chez les personnes en situation de handicap, en fonction des besoins spécifiques et de l’environnement social, familial et professionnel. Alors qu’en 2023, plus de la moitié des sites présentaient un taux de conformité inférieur au minimum requis par le référentiel d’accessibilité RGAA (Baromètre de l’Accessibilité Numérique 2023), il est essentiel de chercher des solutions pour rendre le numérique accessible à tous en prônant un accompagnement inclusif et adapté à chacun

En s’appuyant sur 47 entretiens de terrain et un état de l’art de la littérature existante, Emmaüs Connect et La Croix-Rouge française formulent 11 recommandations pour l’inclusion numérique des personnes en situation de handicap.  

  1. Rendre les personnes en situation de handicap actrices de leur équipement et de leur montée en compétences en proposant un matériel adapté à la personne ou en l’aidant à rendre accessible son équipement afin qu’elle puisse s’en saisir en toute autonomie et en favorisant l’accès à des ressources accessibles
     
  2. Intégrer le numérique dans l’accompagnement global en s’appuyant sur des outils et méthodes des professionnels du handicap
  3. Favoriser l’autodétermination par et dans les usages numériques en donnant le choix aux personnes accompagnées des opportunités du numérique
  4. Faire de l’accompagnement un levier pour gagner confiance en soi
  5. Sensibiliser et outiller les accompagnants dans les champs du handicap et de l’inclusion numérique
  6. Prendre en compte les situations d’exclusion numérique parmi les proches aidants et les professionnels du handicap en proposant une solution d’orientation vers les acteurs de la médiation numérique compétents et spécialisés dans le handicap
  7. Prendre le temps d’établir une analyse complète et précise des situations, c’est-à-dire des compétences, attentes, besoins et freins des personnes
  8. Personnaliser les accompagnements et s’adapter aux besoins et envies des personnes
  9. Favoriser le travail croisé entre accompagnants des champs du  handicap et de l’inclusion numérique pour croiser les expertises et l‘implication des personnes accompagnées
  10. Favoriser la pair-aidance
  11. Encourager la participation des personnes concernées et de leurs proches

Un projet en 4 phases 

Ce rapport constitue la première phase du projet d’inclusion numérique d’Emmaüs Connect et de La Croix-Rouge française soutenu par l’ANCT et l’AGEFIPH pour outiller les personnes présentant une déficience intellectuelle (DI), des troubles du spectre autistique (TSA) et/ou des troubles cognitifs (TC) et leurs accompagnants en leur donnant accès à des ressources pédagogiques adaptées. 

Sur la base des recommandations formulées dans ce rapport, des outils pédagogiques à destination des personnes présentant une DI, des TSA, et/ou des TC et de leurs accompagnants sont en production depuis le début de l’année 2024 (phase 2). Ils seront expérimentés dans les établissements de la Croix-Rouge française et d’Emmaüs Connect (phase 3) à partir du second semestre 2024 avant d’être diffusés en libre accès avec les résultats du projet (phase 4). 

 

Une population plus touchée par l’exclusion numérique 

En France en 2021, 7,7 millions de personnes déclaraient une restriction d’activité ou une limitation fonctionnelle sévère, dont 2 millions une limitation cognitive ou intellectuelle (DREES, 2023). Les personnes en situation de handicap ont un risque de pauvreté ou d’exclusion sociale de 36% contre 18% dans l’ensemble de la population (DREES, 2023). Elles sont plus à risque d’être éloignées du numérique en raison notamment du coût élevé des équipements adaptés. Par ailleurs, en 2022, « plus de 60 % des démarches administratives demeuraient encore “hors de portée” des personnes en situation de handicap » (Défenseur des droits, 2022). 

L’acquisition des compétences et usages numériques est aussi rendue plus compliquée pour les personnes en situation de handicap : peu d’opportunités d’apprentissage et de montée en autonomie sur le numérique, des difficultés d’apprentissage ou encore des ressources pédagogiques peu accessibles. Les outils sont initialement pensés par et pour les personnes valides et donc peu adaptés aux besoins des personnes en situation de handicap et aux difficultés qu’elles peuvent rencontrer. Si certains outils existent, ces aides techniques s’adressent principalement aux personnes porteuses de handicaps moteurs et/ou sensoriels. Pour les handicaps cognitifs et/ou intellectuels, la question de l’accessibilité du numérique est encore peu étudiée.

« L’idée de ce rapport c’est d’éclairer deux angles peu travaillés des politiques d’inclusion : d’une part, le numérique comme outil d’inclusion pleine et entière des personnes en situation de handicap en droite ligne de la loi de 2005 ; d’autre part, le handicap comme un frein réel à l’inclusion numérique, qui questionne l’impératif numérique, ses outils et nos pédagogies. Ce rapport, c’est aussi la mise en lumière d’initiatives et de dynamiques déjà en place, ancrées et incarnées par des conseillères et conseillers numériques, des travailleurs et travailleuses sociales et des animatrices et animateurs de proximité, qui innovent et expérimentent constamment.
Travailler avec la Croix-Rouge française, c’était l’occasion d’un regard transversal et pragmatique, que lui permet son positionnement unique entre action sociale, innovation numérique et expertise dans l’accompagnement médico-social. »
Germain Telliez, concepteur pédagogique chez Emmaüs Connect

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